il y a eu ces trois jours passés dans un bout de campagne, avec T. et ses grands parents. trois jours au ralenti.
trois jours pendant lesquels je suis frappée par ce couple qui a traversé le XXe siècle. ils s'aiment depuis bientôt 60 ans. ils ont eut 7 enfants, qui leur rendent visite régulièrement. le matin, il font leur ballade dans le jardin de leur grande maison, regardent pousser les fleurs, main dans la main. l'après midi, ils la passent au coin du feu, dans le salon, sur un fond de mozart. lui fume le cigare, écrit des articles, elle lit un livre sur liszt, joue des nocturnes de chopin à 80 ans.
et nous au milieu de ce petit univers, les écoutant nous raconter leur vie. je ne me lasse pas de cette voix théâtrale, de ce regard complice, ces mains si belles, dessinées comme deux feuilles d'automne, pleines couleurs. il nous raconte des anecdotes, sa voix est belle, seule dans le silence du temps, j'aime ses r qui raisonnent comme rarement, ces r et cette lente prononciation qui me rappelle les répliques de certains vieux films en noir et blanc, la voix de jean marais qui parle si simplement d'amour. d'amourrr.
et lui il est là, il nous raconte, il se raconte. il ne veut pas oublier.
nous étions aux tuileries, de gaulle descendait les champs-élysées, la libération. c'était très émouvant, vous savez. j'avais 22 ans. les allemands tiraient dans la foule, impuissants, perdus. et une femme s'est jetée dans mes bras, affolée, criant "je ne veux pas mourir". alors je l'ai décroché de mes épaules et je lui ai dit "calmez vous, madame. avez vous déjà gagné à la loterie ? non, et bien vous ne risquez pas plus de mourir cet après-midiet il sourit, il se rappelle. il nous raconte et toutes ses années défilent dans ses yeux. il sourit encore. il regarde sa femme. c'est un grand-père comme on en rêverait tous, un généreux, un qui sent le cigare et les pastilles à la menthe.
nous on est dans la chambre perchée au deuxième étage, avec les meubles à l'ancienne. on apprend nos textes, on rit beaucoup, émues par ce couple, cette maison, le thé et les biscuits à quatres heures, les discussions très sérieuses, où il faut évoquer la politique, les moeurs de georges sand et promettre de lire anna karenine, parler "plus fort", dire "responsable" au lieu de cpe.
et on s'allonge des heures dans l'herbe verte. on découvre l'odeur du colza, on fait des photos, et on joue au tennis avec des raquettes en bois. et on fait des escapades, quand ils sont couchés, on va fumer dans la chaleur des nuits de pleine lune, on se demande ce qu'on fait là. et on oublie, des fois.
Je suis tombée par hasard sur ton blog et j'aime beaucoup cette façon que tu as de raconter ce grand-père que l'on voudrait avoir, ces grands-parents que j'ai rêvés d'avoir...tes mots sont vraiment beaux.
ils font envie, hein :) merçi.
bouuh, j'ai des frissons de partout mamzelle... il est magnifique, ce texte. et peut-être que eux, ils font envie, mais c'est parce que tu les racontes bien aussi. (encore !)
merçi, p'tite mélie. j'aime te voir par ici :)