Ils sont là. Allongés dans ce parc. Tous les deux.
ils ferment les yeux, dégustent la chaleur avec le corps, la lumière avec les yeux.
eux, en haut de cette butte, eux qui ne veulent rien d'autre que cette après midi, que ce kilo de fraises dégusté sur les bords de la seine, des fraises rouges et sucrées comme ses lèvres, sérrées dans un beau papier mâché brun.
rien d'autre que cette lumière qui plisse le coin des yeux, que ce ciel nu, que ce vert qui sent l'été, qui chatouille le bas des reins. rien d’autre que croire en soi. qu'oublier les autres. rien d'autre qu'avoir soif, sans vouloir boire. que regarder les enfants en train de courir, courir le corps penché en avant, les sandales rattrapant la tête. se demander où ils vont s'arrêter
et encore cette lumière. une lumière jaune crue. une lumière qui fait mal aux yeux, qui donne le vertige, qui change les couleurs. qui brûle les dalles de la petite impasse. qui souffle la poussière. qui sèche la terre. une terre sourde. compacte.

Ces corps dans la chaleur d’une après midi d’été. ils ne se tiennent plus tête. ils ont perdu la cadence.

Et ils sont là. je les vois. eux, c'est lui avec moi.

et moi j’en veux encore.
je veux être là
ivre de tout ça

rien que de ça.




Pauline croze - tita




ma muse a disparu. je crois qu'elle s'est endormie dans ce champ, la semaine dernière. quelque part dans le sud de la France.
à trop regarder les nuages, on y laisse la tête.




Ces derniers jours, il y a eu beaucoup d'heures passées à trois, comme avant. presque comme avant.

Marcher super lentement dans le centre commercial, ralentir tous les passants, faire comme si de rien n'était.
S'asseoir dans ce quick glauque, parler beaucoup plus que prévu. Parler de pleins de choses. On a commencé par le goût des frites, l'eau qu'ils rajoutaient dans le concentré de coca ; on est passés par la politique, la voix est montée et s'est mêlée à des rires. Après, comme d'habitude, on a passé en revu tout ce qu'on avait mangé dans la journée, chacune notre tour ( deux yop à la fraise, un doo-wap, un jambon beurre, des raisins). On a conclu que “décidément, on mange toujours n'importe comment", et qu'il était temps de fumer une clope.
Et le Quick, presque vide, nous a soudain semblé presque beau, avec cette lumière des premières soirées d'été, mélangée aux souvenirs. Aux silences puis aux mots qui soudain, font sourire. aux chansons douces qui passaient à la radio.
et l'homme avec sa chemise rayée rouge, et sa balayette bleue marine assortie, nous a demandé de sortir.

Attendre le bus, le troisième de la journée. chanter à tue-tête des tubes des années 90, parce que ça fait plaisir et parce qu'on s'en fout du reste. boire la fin de la bouteille de vin, un millésime, volé dans la cave de son père, comme des gamines. rire de rien, pour rien, juste pour rire, comme des gamines.
sortir du bus et marcher à la lumière des lampadaires jaunes, avoir l'impression d'un rêve. se concentrer, pour avoir ce souvenir gravé dans la mémoire, à jamais.

Traverser tout créteil pour revenir à la maison. parce que cet anniversaire, c'était vraiment nul, et parce qu'on avait envie de boire du thé. et de miel. on avait pas besoin d'eux, tout simplement.
et on a parlé en chuchotant, parce qu'elle avait la voix cassée. chuchoter dans cette baraque vide, se rappeler des histoires qui nous faisaient peur, quand on était gamines. La dame blanche. L'homme au chien.

Chuchoter jusqu'elles s'endorment, sur le canapé du salon.
moi, j'ai gardé les yeux ouverts, je les ai regardé, un peu. J. qui respirait très fort, comme toujours, sa poitrine qui se soulevait en un lent rythme. et I, qui n'arretait pas de bouger, de remettre son coussin en place, encore et encore. comme quand elle était gamine.

Et puis enfin, à mon tour, j'ai cédé au marchand de sable.

Comme une gamine.