non je ne suis pas jalouse. ils s'aiment et ça crève les yeux. ils ne veulent pas se l'avouer. elle le défend délicatement, il cherche son regard dans la provocation. ils hésitent encore mais tout est déjà là. ils se ressemblent beaucoup enfait, et ils se retrouvent dans les gestes, les paroles, les envies. les envies d'être au dessus des autres, un peu. de vouloir toujours tout analyser,controler. ils font parti de ceux qui font un peu peur, parce que tout leur réussi. elle, a tout fait au bon moment. lui, me répète qu'avec elle, c'est différent. elle, rit d'un faux rire franc et fort à ses blagues, juste pour lui faire plaisir. et leurs regards se noient l'un dans l'autre, et leurs joues se font roses. mais non, je ne suis pas jalouse.


j'ai un week end de 4 jours mais je me lève à 7 heures, avec le bourdonement de la radio, des voix et des musiques qui se font très fortes, d'un coup. le café renversé sur les carreaux gris de la cuisine. je prends des douches tièdes, je ne sèche pas mes cheveux, je n'essuie pas la mousse sur ma peau, je marche dans l'appartement, comme engourdie, entre les restes de sommeil. je marche encore trempée. je m'assois un instant dans le canapé, les tissus s'imprègnent de moi. un courant d'air pince la peau très fine, dans le cou, mal. j'ai froid et en passant devant le miroir. mon corps. blanc. gauche. j'ai des traits rouges sur le ventre, du violet sur les genoux. sur les bras, tout plein de grains de beauté. les coudes. mon corps. il m'est là. j'essaie de lui parler, de le comprendre. lui il reste muet, mais ne sait pas se faire oublier. et je lis sans comprendre, mes yeux filent par dessus les phrases, illusions du regard. ma tête est ailleurs. elle rêve des vacances, elle trace les itinéraires sur le site de michelin, entre paris et kostzyn, tant de villes seront traversées. elle pense déjà aux aires d'autoroutes, aux compteurs de kilomètres. à la joie des premières vacances passées ensemble. elle s'imagine les impatiences, les cafés, les cartes routières, les magasines people allemands auxquels on ne comprendra rien. les rires. le gris de Berlin, et puis tout de suite derrière, Oder, et la campagne polonaise. enfin. le festival. la joie de retrouver cette langue, les intonations familières, les visages chaleureux. les embrassades aussi. et plonger dans cette masse de sacs à dos, les tentes, les feux, les chants et les guitares. la scène, le son des grosses enceintes qui font vibrer mon corps.


j'écris ce post à la hâte, par peur que le sommeil emporte les détails, détails O véritables trésors. je veux que tout ça reste tel quel. je ne me relirais pas, je n'effacerai pas, je ne corrigerai rien. je lâche tout d'un coup, comme ça viendra.

Aujourd'hui j'ai eu 17 ans. 17 ans tout ronds, tout blancs.
Embrasser ma famille, le matin, d'abord. Se préparer, se sentir belle.
je devais aller chez G., je m'attendais à voir du monde chez lui, des bougies, des cadeaux. je m'attendais à une surprise. mais le voilà qui met sa veste grise, qui me dit "n'enlève pas tes chaussures, on part. je t'emmène au restaurant. tu choisis ce que tu veux." et j'ai choisis l'autre café, à l'étage, la grande salade du chef, lui un pavé de boeuf au roquefort. j'me sentais bien.
et ensuite entrer dans cette classe, les voir arriver avec cette part de gâteau au chocolat, cette belle maladresse, leurs paires d'yeux qui brillent, mon coeur qui bat fort. et les fleurs. ah! les fleurs. un parfum qui sent l'été, une bande dessinée en polonais que je leur ai lu à haute voix. une liste de 17 hommes pour moi. des corps qui se serrent. les trouver si beaux, eux avec moi, ici, un bout de vie.
et la magie de l'anniversaire fait son effet. j'ai même retrouvé dans les mots de M-A., elle qui m'avait tellement déçue. ce que j'aimais tant en elle, il n'y a pas si longtemps, je l'ai vu à nouveau, un instant. elle m'a fait rire, avec son innocente sincérité, dans quelques mots qu'elle m'a glissé en cours de maths, quand elle s'est retourné, j'ai vu pour la première fois son visage de poupée aux traits fins, le crayon noir sur ses yeux, qu'elle avait mis comme une enfant de 14 ans le fait dans l'ascenseur, derrière le dos d'une mère. elle avait une beauté nouvelle., des mots d'avant. elle m'a émue, je ne m'y attendais tellement pas.
et il a eu la chica, mais je n'ai plus la force de raconter.

mais je crois que ce que je retiendrais d'aujourd'hui, c'est le soir. avec J et I, les deux seules qui aient jamais vraiment compté pour moi. on s'est d'abord engueulé au téléphone, et sur les poufs de ce centre commercial abandonné, on a su oublier, profiter. on a tenté d'aller chez J, puis chez I, et finalement on s'est retrouvé dans ce qu'on appelait à 8 ans, la "cabane". un petit espace caché dans au fond d'un coin d'arbres, tout près de chez nous. je crois qu'il y avait là un cerisier, avant. on s'est assis sur des tabourets en bois, sous les étranges escaliers. et on a bu des creek, mangé nos tartines de nutella. et on a parlé de sa relation avec R, on lui a dit nos vérités, elle a pleuré. il y avait des choses pas facile à dire, un franchise cruelle et nécessaire, mais à la fois, dans nos mots tant de délicatesse, de compréhension aussi. quelle chance que de les avoir eu près de moi pendant tant d'années, d'avoir grandi avec elles, de les connaitre aussi bien. de s'être séparé et de se retrouver plus fortes encore. on est si différentes, opposées même, mais on se trouve là, un soir de mai, et on vit des moments intenses. je ne sais pas raconter ce qu'il y avait là, j'ai l'impression de me répéter, de gâcher quelque chose en essayant de dire, gâcher parce que je ne pourrais pas tout dire, pas comme il faut, et parce que cette soirée est d'une pureté qui ne se raconte pas. qui se vit. c'est de la beauté dans des pleurs, de l'amour dans des mots pas beaux. si, magnifiques. comment dire, enfin, merde alors, je voudrais vous expliquer. je trouve pas les mots justes, des mots qui ne trahiraient pas.
et se quitter et savoir que tout était là. j'en ai encore des frissons. merci.


il n'est que 11 heures, et j'ai déjà tant vu, tant eu. la maison muette et ensoleillée ce matin, la saveur des tartines qui prend place dans cette odeur de sommeil. les claquements de la vieille machine à café. ouvrir grand une fenêtre et laisser entrer une chaude fraîcheur, sentir plus que jamais l'air que je respire, sur ma peau, mon nez, ma poitrine. je sais que bientôt je l'oublierai, mais là, tout de suite, je pourrais l'avaler. et dans les yeux il y a une nouvelle lumière, et puis une étrange impression de liberté, celle qu'on a quand la journée est devant nous, quand tout est possible.
et faire quelques pas, les pieds nus sur le sol du balcon. la nuit n'est plus que dans le froid du carrelage, comme un glaçon qui fond. et toucher mes cheveux mouillés qui se collent à ma nuque, et l'odeur du savon qui est encore sur ma peau, comme un fruit.
je me sens légère et la journée commence.

edit 18/05 : un nouveau layout se prépare. il arrive peut-être ce soir, si j'ai le temps, j'espère.
et j'oubliais : demain, j'aurais 17 ans.


il y a eu ces trois jours passés dans un bout de campagne, avec T. et ses grands parents. trois jours au ralenti.
trois jours pendant lesquels je suis frappée par ce couple qui a traversé le XXe siècle. ils s'aiment depuis bientôt 60 ans. ils ont eut 7 enfants, qui leur rendent visite régulièrement. le matin, il font leur ballade dans le jardin de leur grande maison, regardent pousser les fleurs, main dans la main. l'après midi, ils la passent au coin du feu, dans le salon, sur un fond de mozart. lui fume le cigare, écrit des articles, elle lit un livre sur liszt, joue des nocturnes de chopin à 80 ans.
et nous au milieu de ce petit univers, les écoutant nous raconter leur vie. je ne me lasse pas de cette voix théâtrale, de ce regard complice, ces mains si belles, dessinées comme deux feuilles d'automne, pleines couleurs. il nous raconte des anecdotes, sa voix est belle, seule dans le silence du temps, j'aime ses r qui raisonnent comme rarement, ces r et cette lente prononciation qui me rappelle les répliques de certains vieux films en noir et blanc, la voix de jean marais qui parle si simplement d'amour. d'amourrr.
et lui il est là, il nous raconte, il se raconte. il ne veut pas oublier.
nous étions aux tuileries, de gaulle descendait les champs-élysées, la libération. c'était très émouvant, vous savez. j'avais 22 ans. les allemands tiraient dans la foule, impuissants, perdus. et une femme s'est jetée dans mes bras, affolée, criant "je ne veux pas mourir". alors je l'ai décroché de mes épaules et je lui ai dit "calmez vous, madame. avez vous déjà gagné à la loterie ? non, et bien vous ne risquez pas plus de mourir cet après-midi
et il sourit, il se rappelle. il nous raconte et toutes ses années défilent dans ses yeux. il sourit encore. il regarde sa femme. c'est un grand-père comme on en rêverait tous, un généreux, un qui sent le cigare et les pastilles à la menthe.

nous on est dans la chambre perchée au deuxième étage, avec les meubles à l'ancienne. on apprend nos textes, on rit beaucoup, émues par ce couple, cette maison, le thé et les biscuits à quatres heures, les discussions très sérieuses, où il faut évoquer la politique, les moeurs de georges sand et promettre de lire anna karenine, parler "plus fort", dire "responsable" au lieu de cpe.
et on s'allonge des heures dans l'herbe verte. on découvre l'odeur du colza, on fait des photos, et on joue au tennis avec des raquettes en bois. et on fait des escapades, quand ils sont couchés, on va fumer dans la chaleur des nuits de pleine lune, on se demande ce qu'on fait là. et on oublie, des fois.


je voulais déguster le nouveau Paris. la nouvelle saison. le Paris des terrasses bondées, des serveurs débordés, et surtout de celui qui nous a dit des mots gentils quand il a vu que ça n'allait pas. qui nous donne toujours des pailles roses parce que ce sont nos préférées. je voulais parler aux voisins inconnus, je voulais croquer la large rondelle de citron qui avait plongé dans le verre de grenadine. je voulais faire la grimace à la venue de cette acidité qui monte aux oreilles. et je me laissai prendre par cette douce agitation. Je voulais être là, au croisement de la petite avenue P. et de l'imposante rue de la R. je voulais être au milieu d'ici, où personne ne va dans la même direction, où les gens se croisent se heurtent, se mélangent, filent tête basse, flânent les yeux en l'air. je voulais ne jamais plus voir l'individu, seulement des mèches qui fuient d'un chignon, les nez qui se font rose au soleil, les tempes qui transpirent, les yeux qui se plissent, les lunettes de soleil, les débardeurs blancs, les mots qui s'échappent, ceux qu'on rattrape. je voulais une anonyme parmi les anonymes, je voulais jouer à en être, avec celles qui prennent un air détaché, qui fixent l'absent là-bas, au loin. jouer aussi avec ceux qui veulent attirer les regards. et avec les mêmes qui quémandent, les nouveaux qui n'osent pas prendre un peu de place. ceux qu'on ne voit pas, et un jour, tout à coup, ils sont là, sans qu'on sache vraiment pourquoi.
je voulais le monde, oui le monde. je voulais cette putain de masse m'a serré la gorge, m'a chatouillé le coin des yeux. je voulais sentir ces mille saveurs, que m'envahisse tout ce gigantesque et fantastique mélange qu'est la foule. la foule, grosse, grasse, serrée, pressée, brassée, se pliant et se dépliant sans cesse. la foule, magistrale.
je voulais m'y perdre.

mais alors j'ai vu les courbes de sa silhouette
j'ai reconnu se façon de marcher
et j'ai vu ces yeux. ses yeux à lui.
et j'ai compris alors que tout était là, dans ce regard, ce corps.

que personne d'autre ne me surprendrai, ne me captiverai autant que lui. même la plus belle des foules.
ma foule, c'est lui.